
Dans la fable de La Fontaine, Le Renard et la Cigogne, tout commence par une invitation.
Sûr de lui, Compère le Renard convie la Cigogne à dîner. Il sert son repas dans une assiette plate — parfaite pour son museau, mais totalement inutilisable pour le long bec de son invitée.
Résultat : le Renard se régale, la Cigogne repart affamée.
Quelques temps plus tard, la Cigogne l’invite à son tour. Même ton, même hospitalité apparente… mais cette fois, le repas est servi dans un vase à long col. Le Renard, incapable d’y glisser son museau, reste sur sa faim.
💡 Derrière cette mise en scène pleine d’esprit, se cache une vraie leçon d’ergonomie.
Le Renard a conçu une expérience pensée pour lui, pas pour l’autre.
Et c’est précisément ce manque d’adaptation que la Cigogne met en lumière : une expérience mal conçue finit toujours par exclure celui à qui elle s’adresse.
C’est pareil pour nos services web.
Un service peut être innovant, esthétique ou techniquement irréprochable — s’il n’est pas conçu pour ceux qui l’utilisent, il perd sa raison d’être.
L’expérience utilisateur (UX) est justement la discipline qui permet d’éviter cet écueil.
Elle consiste à comprendre les besoins, les attentes et les comportements des usagers pour concevoir des services intuitifs, inclusifs et agréables à utiliser.
L’UX n’est pas un supplément esthétique : c’est une démarche d’écoute, d’observation et d’adaptation.
Comme la Cigogne face au Renard, nos visiteurs sentent tout de suite quand un service n’est pas fait pour eux : ils se frustrent, se contrarient et, au mieux, ils s’en vont.
En UX comme dans les fables, la morale reste intemporelle :
Une belle prestation, c’est celle qui s’adapte à l’invité — pas celle qui flatte son hôte.
La fable originale de La Fontaine
Le Renard et la Cigogne
Compère le Renard se mit un jour en frais, et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fut petit, et sans beaucoup d’apprêts ;
Le galand pour toute besogne
Avait un brouet clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là, la Cigogne le prie.
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.
À l’heure dite il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse,
Loua très fort la politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit, pour l’embarrasser,
En un vase à long col et d’étroite embouchure
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille.
Jean de La Fontaine, Les fables de La Fontaine, ill.

Ergonome cognitive spécialisée dans les technologies numériques. 12 ans d’expérience de conseil en UX Design.